Au fil du temps...

An 1406 : La paille en guise de tapis

Extraits de : Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le treisiéme siécle. (1906)
Par  Alfred FRANKLIN (1830 - 1917)

. . . Paillasses. Dans les théâtres forains, individus chargés d'attirer le public par des lazzis, des grimaces, des farces en plein vent avant la représentation.
On croit que le théâtre de Nicolet est le premier qui ait eu un paillasse. Le plus célèbre est celui qu'employa le sieur Bernard, entrepreneur de spectacle sur le boulevard du Temple etaux foires ; ce paillasse était très habile grimacier et escamotait un enfant de six ans à la vue des spectateurs.
Les paillasses ont dû leur nom au costume ordinaire de l'emploi, qui était taillé dans une couverture de paillasse. On les nomme aussi paradistes, grimaciers, pitres, etc.

Paille : (marchand de) La Taille de 1292 cite trois chaumeeurs, celle de 1300 deux chaumiers. Ces mots désignent-ils des couvreurs en chaume ou des marchands de paille? Ni M. Géraud 4, ni M. Fagniez n'osent se prononcer sur ce point. Au treizième siècle, les couvreurs en chaume sont, le plus souvent, nommés couvreux ou couvreurs d'estrain, du mot latin stramen, qui signifie paille, chaume, fourrage. On disait aussi, en bas latin, fodrum, foderum, fodrium c, et en français feurre, fouarre, foerre.

Chaume, paille ou fouarre jouaient un rôle important dans la vie de nos pères. De petits marchands parcourant les rues, en offraient aux ménagères : L'autre crie chaume, i a chaume !

Ceux qui en débitaient aux abords des marchés payaient une légère redevance, et étaient tenus, en outre, d'offrir chaque année, la veille de Noël, deux charges de paille au voyer .

Bien que le treizième siècle connût déjà les tapis et les tapisseries, qu'il s'en fabriquât même à Paris 9, on leur préféra longtemps les fleurs et les rameaux verts pendant l'été, la paille pendant l'hiver. Le roi s'en contentait, et après lui les pauvres malades de l'Hôtel Dieu, dont les longues salles dallées étaient souvent bien froides. Par une charte datée du moisde mars 1208, Philippe Auguste ordonna que chaque fois qu’il quitterai Paris pour aller loger ailleur, on transporterait dans cet hôpital toute la paille provenant de sa chambre et de son palais . L'ordonnance de Philippe Auguste, tombée sans doute en désuétude, fut renouvellée cent ans après par Philippe le Bel, qui l’étendit aux hôpitaux les plus proches de tous les lieux ou le roi ferait sa résidence.

Quand Charles V meuble son palais du Louvre avec tout le luxe dont pouvait alors s'entourer un puissant roi, il ne songe pas à orner de tapis, même sa chambre de parade : il se borne à remplacer le jonchage ordinaire par des nattes de paille .

La rue du Fouarre, berceau de nos Facultés des lettres et des sciences, doit son nom à la paille dont on recouvrait le sol des salles de cours. En somme, les écoliers étaient traités comme le souverain, sauf peut-être que celui-ci pouvait s’offrir une litiére plus épaisse et plus souvent renouvellée.
Au mois de février 1371, Charles V exempte du droit de prise les habitants d'Auber- villiers, à la condition qu'ils fourniront pour la demeure royale quarante charretées de paille bonne et convenable, vingt charretées pour l'hôtel de la reine, et dix pour celui du Dauphin.

En septembre 1406, Charles VI accorde la même faveur aux habitants de Suresnes, de Puteaux et de Chenevières, à charge par eux de livrer chaque année huit charretées de paille de seigle «pour nous, ditil, nostre compagne, et nostre très chier et très amé filz le Daulphin ».

Aussitôt qu'arrivait le mois de mai, les fleurs remplaçaient la paille. Aujourd'hui, pour éviter le bruit dans l'appartement d'un malade on étend de la paille devant la maison qu'il habite. Au dixseptième siècle, on interdisait dans la rue la circulation des voitures, en y plantant des pieux. Je lis dans une des historiettes de Tallemant des Réaux : « Un jour que madame de la Trimouille avoit fait mettre des pieux pour la maladie d'un de ses enfans, madame d'Aiguillon, en allant aux Carmélites les fit arracher... » Elle s'excusa en disant que ses chevaux, « qui estoient neufs, n'avaient jamais voulu tourner ».

Les marchands de paille ont encore été nommés pailleurs, pailleux, etc. Une paillière était une chaumière. Pailleurs et Pailleux. Marchands de paille et empailleurs de chaises. Pailleux. On nommait plus spécialement ainsi certains fermiers des environs de.Paris, qui se chargeaient de fournir dans les grandes maisons la paille nécessaire pour le service des écuries.
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Photo Joseph favre Alfred Louis Auguste Franklin (1830 - 1917) consacra plusieurs volumes l'histoire de Paris et de ses mœurs.
Il mena une très belle carrière en tant que Conservateur et administrateur de la Bibliothèque Mazarine.
Il a rassemblé, dans son « Dictionnaire historique des Arts, Métiers et Professions », article par article, un grand nombre d'éléments, d’une très grande richesse, indispensable pour reconstituer sept siècles de l’histoire d’un peuple industrieux et inventif.